Introduction pour ceux qui nous rejoignent (vous pouvez sauter sinon)
Pour comprendre Bitcoin, il est indispensable de comprendre la fonction et l’histoire de la monnaie.
Pour nous aider sur ce chemin, nous allons suivre les aventures de Francis, un jeune agriculteur fougueux et candide qui souhaite s’installer à Mons-Boubert, dans la Somme (80), pour se rapprocher de sa ferme et de sa nouvelle copine Gisèle. Il a repéré une superbe maison à l’entrée du village. C’est celle de José, un fantasque buraliste aussi cultivé qu’alcoolique.
Francis souhaite acheter la maison de José en petit pois, car il a fait une belle récolte.
Mais la vente s’annonce délicate car José n’est pas spécialement vendeur ni spécialement friand de petits pois…
Les aventures de Francis sont découpées en 3 parties :
Dans la partie 1, Francis a découvert ce que sont les fonctions et les caractéristiques d’une bonne monnaie en voulant acheter la maison de José. Je vous invite à lire les 3 éditions qui composent cette partie (C₿C #1, C₿C #2 et C₿C #3). Vous pouvez retrouver les premières éditions ici.
Dans la partie 2, il va à la rencontre du professeur Javier, un sage retiré du monde et à la connaissance encyclopédique, qui lui explique l’évolution des monnaies à la lumière de l’histoire. Nous sommes actuellement dans cette deuxième partie.
Dans la partie 3, Francis aura la nuit de la révélation et découvrira Bitcoin…
En toute transparence, les 3 parties de cette newsletter sont grandement inspirées du livre The Bitcoin Standard.
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Question du public
Pas de question des abonnés suite à l’édition d’hier.
Tant mieux si c’était clair, j’espère que vous avez bien compris.
Next 👊
Francis est toujours chez le professeur Javier qui lui tient la jambe avec ses histoires de Perles Aggri et d’Empire Romain. Mais ces exemples lui permettent de mieux comprendre l’influence de la monnaie dans la réussite ou le déclin économique des pays/empires.
Partie 2 : l’histoire des monnaies
Tu peux retrouver la précédente édition ici si tu n’as pas eu le temps de la lire.
“– 2/3 ! Quel match ! J’en ai encore des frissons. Elle est sacrément douée cette noisette.
– Oh oui professeur. Il a écrêté le Bayern à lui tout seul !
– Tiens, c’est marrant que tu parles d’écrêtage. C’est exactement là où je m’étais arrêté avant-hier, quand je te parlais de cet empereur romain, Néron, qui avait écrêté l’aureus de Jules César dans de larges proportions.
– J’ai fait mes petites recherches dessus professeur, et si j’ai bien compris, l’écretâge de la monnaie telle que vous le présentiez consiste, pour les gouvernants, à collecter les pièces de monnaie auprès de la population, les fondre et les frapper de nouveau mais dans des teneurs allégées en métaux précieux. Mais pourquoi faire ça ?
– Pour financer ses dépenses dispendieuses mon cher Francis. Les dépenses militaires et la vie mondaine à Rome (les fêtes, les dîners, les privilèges toussa toussa) coûtent bonbon. Et pour les financer, l’Empire fait face à un trilemme :
Réduire les dépenses et le train de vie de l’État. C’est difficile, impopulaire et est-ce que les gouvernants en ont vraiment envie ?
Lever des impôts, mais comme tu te doutes, c’est impopulaire auprès de la population.
Conquérir de nouveaux territoires riches, ce qui implique de nouvelles dépenses militaires, pour augmenter le stock d’or et d’argent du Trésor Public romain et battre de la nouvelle monnaie. C’est cette solution qui a été choisie par les empereurs.
Mais ce choix place les empereurs dans une situation difficile. Tant que Rome conquiert de nouveaux territoires riches, et que l’or et l’argent rentrent via les prises de guerre, tout va bien. Mais quand les territoires conquis sont moins riches, ou alors que l’armée romaine subit des défaites, l’Empire ne peut plus se financer. Et comme Néron ne veut pas réduire les dépenses de l’Empire, ni lever de nouveaux impôts…
– … il a décidé d’écrêter la monnaie ?
– En fait, Néron a choisi la quatrième voie avec l’écretage de la monnaie. Sous son règne, l’aureus est passé de 8 à 7,2 grammes d’or. Avec tout cet or ainsi “économisé”, il a pu imprimer de nouveaux aureus afin de financer les dépenses supplémentaires. Il a fait ce que l’on appelle aujourd’hui une dévaluation monétaire, c’est-à-dire qu’il a créé de la nouvelle monnaie pour financer les déficits et alléger les dépenses de l’Empire.
– Mais j’imagine que cela provoque d’autres effets ?
– Tout d’abord, le salaire réel des travailleurs baisse. Disons pour l’exemple qu’un éboueur payé par l’Empire a un salaire mensuel de 10 aureus par mois. Puis Néron décide d’écrêter la monnaie. Ainsi, cet éboueur est toujours payé 10 aureus par mois, mais au lieu de recevoir 80 grammes d’or, il n’en reçoit plus que 72. Son pouvoir d’achat baisse, même s’il ne s’en rend pas forcément compte tout de suite. Certes, les dépenses pour l’État sont moins lourdes mais cela appauvrit les travailleurs.
– C’est terrible.
– Et ce n’est pas fini Francis car en dévaluant la monnaie, l’Empire provoque de l’inflation. Les marchands veulent récolter la même quantité de métaux précieux qu’auparavant. Ils augmentent donc les prix de leurs marchandises. Ainsi, le prix d’une baguette de pain passe de 1 à 1,5 aureus pour l’éboueur. Mais il n’y a pas que le boulanger qui monte ses prix. Le boucher aussi, le menuisier… L’éboueur n’est pas content et il gronde.
– Que fait l’empereur alors ?
– L’empereur ne veut pas d’une révolution. Alors, pour masquer la hausse des prix, il décide de fixer les prix des produits de première nécessité. Seulement, ceux qui les produisent y perdent. Ils sont obligés de vendre leurs produits à un prix inférieur au prix de marché. Résultat, ils gagnent des clopinettes et certains finissent par mettre la clé sous la porte. La production s’effondre, jusqu’à ce l’empereur décide de lever la fixation du prix de ces marchandises. Le prix de ces marchandises augmentent de nouveau pour retrouver son prix de marché et le cycle recommence et encore…
– C’est-à-dire professeur ?
– L’empereur est obligé d’écrêter à nouveau la monnaie pour augmenter le salaire des travailleurs, ce qui diminue la valeur réelle de l’aureus, tout ça afin de financer les dépenses excessives de l’Empire. Mais cela provoque de l’inflation et des crises économiques que les empereurs tentent de juguler en dévaluant de nouveau la monnaie… C’est la spirale inflationniste. Néron fut le premier à le faire, mais ses successeurs s’y donnèrent à coeur joie. Au IVème siècle, l’aureus ne contenait plus que 5,5 grammes d’or avant d’être remplacé par le solidus qui n’en comptait plus que 4,5 grammes. En l’espace de 3 siècles, le pouvoir d’achat de l’aureus a presque été divisé par 2.
– Quelles ont été les conséquences professeur ?
– Elles ont été funestes au possible… Face à l’érosion continue de leur pouvoir d’achat et la montée des impôts qui devenaient nécessaires pour que l’Empire subsiste, les citoyens ont fui les villes. Ils sont partis vivre à la campagne, en autarcie, cultiver la terre sous la férule de seigneurs locaux. La chute de l’Empire Romain d’Occident fut officielle en 476 après JC et le monde occidental entra alors dans la période sombre du Moyen-Âge qui durera presque un millénaire…
À retenir :
Les civilisations humaines dépérissent lorsqu’elles utilisent une monnaie faible.
En dévaluant l’aureus, monnaie dure par excellence, Néron l’a transformé peu à peu en monnaie faible. Un aureus pouvait voir sa teneur en or diminuer au fil du temps, selon les desiderata des empereurs. Il ne pouvait plus correctement jouer son rôle de réserve de valeur.
La spirale inflationniste qui en suivit et l’incapacité de l’Empire à réduire ses dépenses acheva de ruiner l’Empire qui s’effondra de lui-même et entraîna le recul civilisationnel le plus important de l’histoire.
Quelle leçon de l’histoire, et ô combien le parallèle avec nos économies actuel est pénétrant…
Suite à certains retours, je vais ralentir le rythme de publication des newsletter, et passer sur un rythme d’une newsletter tous les 2/3 jours.
Pour les prochaines éditions, je vais faire un bond dans le temps et attaquer avec la période la plus fructueuse de l’histoire : la Belle Époque, période qui s’étend de 1870 à la Première Guerre Mondiale, date aussi de la fin de l’étalon-or.
À très vite, et toujours preneurs de vos remarques si vous en avez.
C’est ₿on ça,
Jean